Ayant appris de mon expérience avec le Mont À Peine, je maximise mes chances de rencontrer la faune locale en me levant tôt à nouveau. En me préparant, je souris à l’idée de raconter à ma famille que je me suis levé volontairement avant 7h une majorité de la semaine, personne ne me croira c’est sûr.
Sur la route j’essaie de ne pas trop réfléchir au fait que cette journée sera la dernière pleine de beaux paysages avant bien longtemps. Je mets alors ma super playlist aux mélodies folk contemplatives et le moment est parfait.
Aussitôt arrivé au stationnement, une perdrix qui était vraiment très enthousiaste de voir un visiteur arriver (ou qui attendait le moment parfait pour se suicider) s’envole devant mon véhicule; par chance, je l’évite de justesse.
Une fois sorti de l’auto, les moustiques fusent de partout alors je m’empresse de sortir ma cacanne pour pouvoir chausser mes bottes en paix… ça fonctionne à moitié. En fait le nuage est toujours là mais ils ne me piquent pas alors je prends plaisir à les écraser l’un après l’autre. Si une autre personne avait été là, elle se serait demandée où est le cirque car je ne cesse de taper des mains en tournant en rond. Soudain, de la cime des arbres, un petit suisse lance son cri ricaneur et je réalise que c’est peut-être moi le clown finalement.
Je me lève donc et j’entame le Cap Gribane qui sera, et de loin, mon préféré des 5 sommets. Contrairement à bien des sentiers de cette année qui avaient des allures d’autoroute (piste de ski, chemin en gravier, VTT) celui-ci nous plonge au beau milieu d’un écosystème offrant une variété ahurissante de plantes, de matériaux, de couleurs, d’odeurs et de textures; c’est de toute beauté.
D’ailleurs, aujourd’hui je ne ménage pas les efforts pour explorer tous les points de vues possibles sur ma route car mes jambes et moi avons finalement fait la paix. Ça aura pris 5 jours avant qu’elle comprennent que je n’ai nullement l’intention de m’arrêter.
Sur ma route, soudainement et sans crier gare, une perdrix saute à nouveau d’un buisson et tente de m’attaquer en m’infligeant la frousse de ma vie. Le temps de la repousser et de reprendre mes esprits, je décide que ce soir je mangerai de la volaille. Est-ce par coïncidence ou par vengeance? À vous d’en décider.
J’arrive au centre d’une magnifique clairière recouverte d’un toit feuillu et je m’arrête pour savourer l’instant présent. En toute intimité, j’ai secrètement espoir que dame nature vienne à ma rencontre; elle qui a été si généreuse avec moi cette semaine. Si elle se présente je lui demanderai sa main; tous les préparatifs sont prêts! On a quelques oiseaux comme témoins et j’ai tissé un voile avec les toiles d’araignées que j’ai reçu au visage.
Malheureusement elle n’arrive pas alors je reprends la route pour me faire surprendre par une TROISIÈME perdrix. Rendu là, je suis sans mot. Comment cette espèce a-t-elle pu survivre à des millions d’années d’évolution? J’aurais pu toutes les attraper à mains nues!
Un peu plus loin une affiche annonce le Cap Gribane; ma destination finale.
Comme dans un film, le vent tombe, les oiseaux cessent de chanter, le silence s’installe et le temps s’arrête. Après un moment de réflexion, je me résouds à approcher l’affiche pour prendre ma photo en ouvrant la main comme l’année dernière:
J’ouvre la main pour 5 doigts, 5 sommets.
J’ouvre la main en m’envoyant un high-five; j’ai réussi.
Mais j’ouvre aussi la main en guise d’au revoir… c’est fini.
Je m’assois ensuite par terre pour savourer une dernière fois le paysage en prenant de grandes respirations. C’est que voyez-vous, je me suis promis de ne pas verser de larmes cette fois… mais ma reconnaissance envers la vie d’avoir pu profiter d’une si belle aventure m’envahit et mes efforts échouent.
Sur le chemin du retour, une douce brise parcourant la cime des arbres comme des vagues sur la mer me berce et me console. C’est une bonne chose car avec les yeux secs, je pourrai voir les foutues perdrix-ninja en descendant.
*FLAP FLAP FLAP FLAP* ARGH!
Eh bien finalement non.